Ah ! La Bourgogne… ces vallons boisés, ces coteaux exposés… l’ombre d’une balade et le fruit d’une vigne gorgée. Un Éden, s’il en est ! Calme et serein comme les sources d’eaux vives qui parcourent ces sous-bois, comme les vaches ruminantes regardant le train passer. C’était à la fraîche vers la fin du mois d’août, nous survolions la région jusque-là sans surprise. Quand quelque chose attira notre attention.
Il semblait ce matin-là que seul un petit village résistait à la quiétude ambiante. En effet, s’offrait ici à nos yeux un étrange ballet : de nombreux moines tout de gris vêtu s’agitaient dans tous les sens. Les uns portaient des cartons, les autres des meubles dans un mouvement cadencé de chargement, déchargement, sous les ordres d’un chef d’orchestre : « Ce sommier en cellule 206 ! Cette commode en 125 ! Ces cartons dans le bâtiment Saint-Joseph ! Ceux-là à la bibliothèque ! … »
En nous rapprochant par curiosité, nous tendîmes l’oreille quelque peu et pûmes intercepter des bribes de conversations. L’un d’entre eux affirmait à d’autres :
− Chers frères, je suis au comble de l’allégresse.
Enfin voilà le terme de notre prouesse.
Ce long déménagement ardûment mené
Laisse ici présager d’agréables journées.
Un frère qui semblait de son avis renchérit sur le même ton enthousiaste :
− Il était temps pour nous de quitter Saint-Jodard.
Saluer la Loire pour lui dire au revoir.
Votre accueil fraternel m’emplit d’un sentiment
D’extrême gratitude quant à votre engagement.
Voici ce qu’on leur répondit :
− Il est tout naturel d’accueillir nos chers frères
Dans l’écrin de velours qu’est notre maison mère.
Nous étions si peu entre les murs de Rimont.
Votre installation est une bénédiction.
Nos belles forces vives réunies ici
Ne laissent pas douter d’une année réussie.− Très bel état d’esprit, puisse Dieu vous entendre !
− Sûrement le fera-t-il et sa grâce se répandre.
− Qu’il nous garde tous unis dans l’amour fraternel.
− Dans la joie et la paix.
− Pour la vie éternelle.
− Ah ! N’entendez-vous pas le son des cloches belles ?
Affermissons nos pas, allons à la chapelle.
Eh oui, c’est un fait, les frères de Saint-Jodard débarquèrent à Rimont et tous constatèrent dès la première semaine de vie commune une saine effervescence et une ferveur renouvelée. Le prieuré sera cette année remplie avec une cinquantaine de frères, ce qui correspond mieux à ses capacités d’accueil. Rien qu’à les voir, nous ressentons déjà que la vie fraternelle bat son plein dans une palpable charité. Le prieur ne voulant pas laisser cela s’échapper, et pour entériner ce si bon début d’année, eut une merveilleuse idée. Il rassembla donc ses frères et la leur exposa à peu près en ces termes :
− Mes très chers frères, notre maison se transfigure.
Joyeux commencement et je veux que ça dure.
Aussi je vous propose une vive escapade
Auprès de Saint Lazare, dans sa bonne bourgade.
Pèlerinage et détente soyez-en certains
Nous visiterons demain la ville d’Autun.
Il en fut donc ainsi, le 1er septembre 2021, jour de la Saint Lazare, tous les frères montèrent dans l’autocar direction Autun. Chef-lieu du diocèse qui est effectivement sous le patronage de Saint Lazare – la cathédrale lui étant dédicacée. Ils furent donc au bon endroit au bon moment, jour de solennité pour cette localité. Ce fut l’occasion d’un ancrage diocésain pour les nouveaux arrivés et d’un ancrage fraternel pour tous. Ils visitèrent la cathédrale et y célébrèrent le Sainte Messe. Dans la foulée, les reliques des premiers saints martyrs du diocèse furent vénérées comme elles se doivent.
Puis tout ce beau monde marcha vers la forêt avoisinante pour une ballade le long d’un bucolique cours d’eau. Ce fut l’occasion de forts échanges et discussions où les frères apprirent à mieux se connaître. Leurs pas les menèrent à une clairière ensoleillée qui les accueillit pour partager un délicieux pique-nique à base de pizza et de gâteau aux amandes. Après ce repas digne de Byzance, ils rentrèrent chez eux le ventre plein et l’esprit léger. Cette journée avec sa dose équilibrée de dévotions et de récréations fut la recette parfaite pour une sortie communautaire réussie. Et comme le prieur l’espérait, elle porta ses fruits de divine charité. Le retour à Rimont se fit paisiblement. Les frères enfin installés et enjoués de cette belle journée reprirent un rythme monastique en harmonie avec celui de la campagne alentour. Le silence de la nuit tomba sur la colline et prit chacun des siens dans la paix du sommeil. Jusqu’au nouveau matin où le silence fait chair et la nuit lumineuse envelopperont la création nouvelle. Marana tha ! Viens Seigneur Jésus !
Frère Pacifique
